Pilote : Joëlle Bissonnette (ESG UQAM).
L’entrepreneuriat des femmes comme l’entrepreneuriat dans les arts et la culture invitent à remettre en question les définitions habituelles de la performance et du succès entrepreneurial. Certaines recherches menées dans ces deux champs approfondissent notre compréhension des motivations et apports des entreprises des femmes et des entreprises culturelles, motivations qui se révèlent souvent fondées sur des critères autres que financiers. La diversité, l’établissement de relations fondées sur la sollicitude, la participation à la vie de la communauté, la protection de l’environnement ou de la culture locale ne sont que quelques exemples de motivations et apports cités autant dans des recherches sur les entreprises des femmes (Constantinidis et al., 2019 ; Lebègue, 2015 ; Poroli, Pailot, Bacha et Tremblay, 2020) que dans des recherches sur les entreprises culturelles (Alacovska, 2018 ; Alacovska et Bissonnette, 2021 ; Banks, 2006 ; Patten, 2016). Dans ces deux champs, on souligne aussi des difficultés liées à la reconnaissance et à la valorisation des entreprises, dont les contributions aux sphères sociale et sociétale ne seraient pas reconnues à leur juste valeur. Ces apports, motivations et difficultés apparaissent donc de façon particulièrement évidente lorsqu’on croise l’entrepreneuriat des femmes à celui dans les arts et la culture.
Les recherches qui s’attardent à l’entrepreneuriat des femmes dans les arts et la culture, d’hier à aujourd’hui, en plus de faire ressortir leurs apports distincts à leur secteur ou à la société, soulèvent des problèmes liés à leur invisibilisation et à une dévaluation de leur travail et de leurs contributions ainsi qu’à un manque d’accès au financement (c.f., pour les arts visuels, Lafleur, 2020 ; pour la musique, Bissonnette, 2022). Des recherches soutiennent d’ailleurs que la culture entrepreneuriale individualiste qui circule dans ces industries, fondée sur une définition économique de l’entrepreneuriat et de la performance, défavorise les femmes (Gill, 2014) et que de nombreuses inégalités, notamment de genre, y sont reproduites (Alacovska et O’Brien, 2021 ; Finkel et al., 2017).
Cet[BJ1] atelier invite chercheuses, chercheurs, praticiennes et praticiens à exposer des résultats de recherches sur les femmes entrepreneures dans les arts et la culture (toutes les perspectives et méthodologies sont bienvenues) ainsi que des initiatives ou expérimentations (passées, en cours ou à venir) en matière de soutien à ces femmes. Les présentations devraient permettre d’atteindre une meilleure compréhension des motivations des femmes entrepreneures dans les arts et la culture, de leurs choix, de leurs formes organisationnelles – incluant le travail autonome et les formes collectives d’organisation – de la valeur qu’elles créent, des types de risques qu’elles prennent, des défis qu’elles rencontrent, notamment en matière de reconnaissance et de financement, et de leurs besoins. Cela amènera à aborder, entre autres, des questions relatives aux stéréotypes sexués susceptibles d’influencer différentes institutions avec lesquelles interagissent ces entrepreneures ; des questions relatives à la neutralité, du point de vue du genre, des critères d’attribution des financements ; ainsi que des questions relatives à ce qui crée de la valeur, dans les arts et la culture. En croisant les expériences de terrain et les regards académiques sur la compréhension de l’entrepreneuriat des femmes dans les arts et la culture, nous souhaitons mettre au jour des pratiques de soutien, d’accompagnement et de visibilisation qui aident ou pourraient aider à déployer une plus grande diversité de visions de l’entrepreneuriat culturel, quel que soit le genre ou le sexe des personnes qui les portent.
Références
Alacovska, A. (2018). Informal creative labour practices: A relational work perspective, Human Relations, 71(12), 1563–1589.
Alacovska, A. et J. Bissonnette. (2021). Care-ful work: An ethics of care approach to contingent labour in the creative industries. Journal of Business Ethics, 169(1), p. 135-151.
Alacovska, A. et D. O’Brien (2021). Genres and Inequality in the Creative Industries, European Journal of Cultural Studies, 24(3), 639—657
Banks, M. (2006). Moral economy and cultural work, Sociology, 40(3), 455–472.
Bissonnette, J. (2022). Les femmes dans l’industrie musicale canadienne francophone. Rapport d’étude [Version complète]. Pour et avec la collaboration de la Fondation Musicaction.
Constantinidis, C., T. Lebègue, N. Salman et M. El Abboubi (2019). How families shape women’s entrepreneurial success in Morocco: An intersectional study, International Journal of Entrepreneurial Behavior and Research, 25(8), 1786–1808.
Finkel, R., D. Jones, K. Sang et D. S. Russell (2017). Diversifying the creative: Creative work, creative industries, creative identities, Organization, 24(3), 281–288.
Gill, R. (2014). Unspeakable inequalities: postfeminism, entrepreneurial subjectivity and the repudiation of sexism among cultural workers, Social politics, 21(4), 509–528.
Lafleur, G. (2020). Le rôle des entrepreneures culturelles dans le développement des arts visuels au Québec (1949-1960). Thèse de doctorat. Université du Québec à Montréal.
Lebègue, T. (2015). La réussite de carrière entrepreneuriale des femmes, Revue de l’Entrepreneuriat, 14(1), 93-127.
Patten, T. (2016). “‘Creative?’… ‘Entrepreneur?’—Understanding the creative industries entrepreneur”, Artivate: A journal of entrepreneurship in the arts, 5(2), 23–42.
Poroli, C. Pailot P., Bacha E., Tremblay M. (2020), Les femmes et la structure des entreprises créées, in Déconstruire les mythes pour mieux accompagner une diversité d’entrepreneures, Québec : Canada, Presses de l’Université Laval.